Pourquoi j’ai choisi de revenir au crayon ?
L’arrivée des intelligences artificielles génératives dans le monde du design graphique a bouleversé notre profession. Comme beaucoup de mes confrères, j’ai traversé une période de questionnements profonds qui m’a menée à une conclusion inattendue : renouer avec les techniques traditionnelles.
LA DÉCOUVERTURE ET LE DOUTE
Quand Midjourney a fait son apparition, j’ai oscillé entre méfiance et curiosité. Cette technologie promettait de révolutionner la création visuelle, alors j’ai testé. Le résultat ? Une profonde insatisfaction. Au-delà de la qualité des rendus, c’est le processus lui-même qui me dérangeait.
Certes, certains affirment qu’écrire un bon prompt relève d’un processus créatif. Mais cette approche s’éloigne fondamentalement de ma méthode de travail. Mon inspiration, je la puise dans la nature, les expositions, les films, les livres. Je construis ensuite des moodboards et développe une véritable stratégie, notamment pour la création d’identités visuelles.
LA PERTE DE MAÎTRISE CRÉATIVE
Avec l’IA générative, je perdais la maîtrise de ce processus si précieux. Le résultat était systématiquement éloigné de ce que je pouvais produire naturellement. En tant que graphiste senior, j’ai développé des habitudes de création que je ne souhaite pas bousculer pour me couler dans un moule, aussi séduisant soit-il.
Ma priorité reste de conserver ma singularité et l’authenticité dans mon travail. Car c’est bien cela qui fait la valeur ajoutée d’un créatif : son regard unique, sa patte personnelle.
UNE QUESTION D’ÉTHIQUE
Au-delà des considérations créatives, la dimension éthique me pose problème. Ces IA utilisent des milliers d’images créées par des artistes sans leur consentement ni rémunération. Participer à ce système reviendrait à « couper la branche sur laquelle je suis assise », comme on dit.
LE CHOIX DU CONTRE-PIED : RETOUR AUX FONDAMENTAUX
Après plusieurs mois de réflexion, ma décision s’est imposée d’elle-même : plutôt que de développer des compétences en IA générative, j’ai choisi de prendre le contre-pied. Retourner au papier, au crayon, aux productions manuelles. Peut-être moins « parfaites » techniquement, mais infiniment plus authentiques et chargées d’âme.
Deux projets qui illustrent cette philosophie
LE PACKAGING DU VINAIGRE AU VIN DE NOIX DU CHELY
Pour ce premier projet, j’ai dessiné à la main une branche de noyer. Ce dessin a ensuite été numérisé et vectorisé pour servir de support graphique aux clichés de dorure et d’embossage. Le rendu, élégant et raffiné, répondait parfaitement aux attentes du client tout en s’harmonisant avec deux autres créations manuelles : l’arbre de vie de leur identité visuelle et l’aquarelle de leur bouteille d’huile de noix.
L’IDENTITÉ VISUELLE DE LA FERME BIO’DIVERSE
Ce second projet illustre parfaitement ma démarche. Plutôt qu’un logo sobre et épuré, nous avons créé une véritable illustration, riche et détaillée. Cette identité colorée, pleine de subtilités, reflète fidèlement l’essence de la biodiversité. Réalisée en plusieurs étapes puis assemblée numériquement, elle démontre que l’alliance entre travail manuel et outils numériques peut créer des merveilles.
L’avenir : l’alliance de la main et du numérique
Cette expérience m’a convaincue qu’il existe une voie alternative à la course technologique.
L’alliance entre savoir-faire traditionnel et outils numériques ouvre des possibilités créatives immenses.
Je me plais à penser que notre métier n’est pas mort et qu’on aura toujours besoin de créatifs qui savent encore utiliser leurs mains, leur tête et leurs crayons. Dans un monde de plus en plus automatisé, c’est peut-être notre différence la plus précieuse.
Cet article reflète un parcours personnel face aux bouleversements technologiques de notre époque.
Et vous, comment envisagez-vous l’évolution de votre métier face à l’IA ?
